Le
vitrail dit « de la Cananéenne » est situé dans
la Chapelle Saint Jérôme. Il date du XVIème siècle (1531).
On peut le lire à la lumière de l’Evangile, mais aussi à
celle de l’Histoire…
L’Evangile
Il
illustre la fin d’un extrait de l’Evangile selon St
Matthieu (XV,21-28), « La Guérison de la fille
d’une Cananéenne » :
« En sortant de là, Jésus se
retira dans la région de Tyr et de Sidon. Et voici qu’une
femme cananéenne, étant
sortie de ce territoire, criait en disant : »Aie
pitié de moi, Seigneur, fils de David : ma fille est
fort malmenée par un démon ». Mais il ne lui répondit
pas un mot. Ses disciples, s’approchant, le priaient : »Fais-lui
grâce, car elle nous poursuit de ses cris ». A quoi il
répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux
brebis perdues de la maison d’Israël ». Mais la femme
était arrivée et se tenait prosternée devant lui en disant : »Seigneur,
viens à mon secours ! » Il lui répondit : »Il
ne sied pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux
petits chiens »-« Oui, Seigneur ! dit-elle,
et justement les petits chiens mangent des miettes qui tombent
de la table de leurs maîtres ! » Alors Jésus lui
répondit : « O femme, grande est ta foi !
Qu’il t’advienne selon ton désir ! » Et de ce
moment, sa fille fut guérie. »
Au centre du vitrail, l’on voit en effet Jésus, entouré
de ses disciples. Devant lui, la cananéenne agenouillée,
alors que sur la gauche du vitrail, l’on reconnaît sa
fille, à sa posture, aidée par des servantes. Au-dessus
d’elle, un petit dragon noir s’envole : c’est la
représentation du démon.
Dans le fond, l’on distingue un paysage avec des
remparts (Tyr ?).
L’Histoire
François Ier, qui voulait reconquérir le Milanais,
fut vaincu et fait prisonnier à Pavie (1525). De difficiles négociations
s’engagèrent alors entre Charles Quint et la Régente,
Louise de Savoie. Charles Quint revendiquait la Bourgogne,
qu’il considérait comme son légitime héritage – il était
l’arrière-petit-fils de Charles le Téméraire. François
Ier dut accepter de céder cet important duché, mais il
obtint d’être libéré avant sa restitution effective, ses
deux premiers fils (François et Henri) le remplaçant comme
otages à Madrid. François Ier fut libéré le 17 mars 1526 ;
aussitôt il dénonça l’accord. Les princes italiens et le
roi d’Angleterre, inquiets de la puissance de Charles,
s’allièrent avec la France (ligue de Cognac). La guerre
reprit en Italie d’autant que François Ier s’était
acquis le soutien des notables en les réunissant en 1527 et
en leur faisant avaliser son refus du Traité de Madrid. Les
français parvinrent jusqu’à Naples, mais diverses erreurs
diplomatiques conduisirent au retournement du Génois Andrea
Doria, qui passa au Habsbourg (1528). Les français furent écrasés
à Landriano en juin 1529.
Les
deux souverains avaient cependant intérêt à un compromis,
François Ier parce qu’il était de nouveau vaincu en Italie
et Charles Quint parce qu’il devait affronter les princes
protestants allemands. Aucun des deux souverains ne mena les
négociations : ce furent Louise de Savoie et Marguerite
d’Autriche, gouvernante des Pays-Bas, qui parvinrent à élaborer
la paix de Cambrai ou paix des Dames, signée le 3 août 1529.
Charles Quint renonçait à la Bourgogne et François Ier au
Milanais ; le roi de France épousait Eléonore, sœur de
Charles Quint – Claude de France, sa première épouse, étant
morte en 1524 ; il versait une rançon de deux millions
d’écus d’or pour les deux enfants royaux qui rentrèrent en
France en juillet 1530, en même temps qu’arrivait la nouvelle
épouse.
Ce vitrail a
été réalisé un an après. On peut y voir un clin d’œil
à cet épisode historique puisqu’il représente une délivrance :
celle de la fille de la Cananéenne (délivrée du démon) qui
fait écho à celle des fils de François Ier (délivrés de
l’Espagne). De plus, l’on doit la délivrance des deux
enfants à la négociation et au Traité élaboré par deux
femmes. Or, c’est aussi à la « négociation »
et à la demande d’intercession d’une femme (la Cananéenne)
que l’on doit celle de sa fille.
Il
semblerait donc que ce soit pour ces raisons que l’on
retrouve dans ce vitrail l’emblème de François Ier –la
Salamandre- ainsi que ses armes. Autour du Blason de l'ordre
de Saint Michel, un collier avec la Toison d’Or (dont il a
été fait Chevalier en 1518 par Charles Quint à Barcelone).
De même, les deux couronnes, disposées chacune dans un médaillon
du vitrail, représenteraient
alors celles des deux fils de François Ier.
C’est
l’un des premiers vitraux en France qui utilise la technique
du paysage en perspective, comme on peut le remarquer
notamment au centre avec les deux arbres (l’un grand,
l’autre beaucoup plus petit) situés presque côte à côte
et offrant de cette manière une impression de profondeur.
Ce
vitrail est caractéristique de l’art de la Renaissance :
on y trouve, d’une part, des colonnes formant des arcs à la
florentine, des statues gréco-romaines entourées de « putti ».
La date est indiquée quatre fois : 1531. D’autre part,
au premier plan, en bas, à gauche, sont représentés les donateurs
- les époux Ducasse - en train de prier à genoux,
habillés comme on le faisait à la Renaissance.
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